Voici un projet qui me tient particulièrement à cœur. Parce qu’il est très exactement la raison pour laquelle j’ai souhaité créer des ateliers d’imagination et non des ateliers d’écriture…
Les ateliers d’imagination ont la particularité de ne pas demander d’écrire aux participants (sauf adaptation de l’atelier selon le public et le projet visés). Il s’agit d’inventer, de conter ensemble. De rebondir sur les idées des autres, de s’exprimer à l’oral, d’oser montrer ce que l’on a dans la tête et dans le cœur. Et croyez-moi ce n’est pas si simple. Cela demande du courage mais aussi une certaine gymnastique mentale. Il faut accepter les idées des autres, accepter qu’on refuse les nôtres, s’approprier toutes les idées pour mieux les développer. C’est un véritable défi ! Tout autant que l’écriture. A la différence près que chacun d’entre nous a une capacité innée d’imagination, tandis que l’écriture s’apprend.
C’est ce choix d’atelier qui me permet de travailler avec tous les publics. Enfants, adolescents, adultes, en difficulté ou non. C’est ce choix d’atelier qui ouvre la voie vers le livre à tous.
C’est aussi grâce à ces ateliers que les participants comprennent la somme de travail et de créateurs que demande un livre. Qu’ils comprennent surtout qu’ils sont, eux aussi, capables de faire naître un livre illustré.
Mon objectif est double : faire découvrir le livre autrement et valoriser les capacités des participants. Si cela peut se faire auprès des publics éloignés du livre, c’est encore mieux !
Alors quand on m’a proposé d’intervenir dans un ITEP de banlieue parisienne, j’ai dit un grand OUI ! Ayant déjà mené ces ateliers avec des enfants de CLIS, ULIS, IME, avec des familles de milieux sociaux défavorisés, je savais que cela pouvait fonctionner avec ces enfants aussi. Peu importe leurs difficultés. Et j’avais raison !
C’est donc 15 enfants que j’ai rencontrés, répartis dans deux classes : Naser, Olivia, Mathéo, Ilyes, Jean-Baptiste, Nolan, Loane, Lucas, Quentin, Mamadou, Crystin, Ethan, Ohane, Herwann, Mohktar. Ils n’avaient jamais travaillé tous ensemble, c’était un des objectifs de l’ITEP justement. Nous avions 3 jours.
Regroupés dans une grande salle, ils ont écouté patiemment mes explications pédagogiques sur le chemin du livre et sur notre projet. Puis nous avons lancé les premières idées pour le canevas de l’histoire : des monstres ! Des licornes ! Aïe comment rejoindre ces deux mondes opposés ? Des univers parallèles ! Bravo ! Et c’était parti ! Les mains levées, les timidités qui s’éloignent… une belle histoire (un peu complexe j’avoue) était en train de naître.
Ensuite, chaque classe dans sa salle. Tout au long de notre projet, enseignantes et éducateurs étaient présents pour aider les enfants à se focaliser sur le moment, à rester posés. Les séances prévues un peu plus courtes que d’habitude pour s’adapter à leur capacité de concentration se sont finalement étendues parce que les enfants étaient vraiment motivés… Ca fait tellement plaisir ! Les voir debouts, la main levée (tel Jean-Baptiste « qu’on n’avait jamais vu comme ça »), le cerveau qui fourmille d’idées ! Et puis soudain, un éducateur, une éducatrice, une enseignante, qui ne tiennent plus et lancent des idées à leur tour … gé-ni-al !
Et puis on se retrouve tous ensemble pour illustrer l’histoire. Chacun ses techniques : mini-BD, dessin d’après modèle, sans modèle, entraide entre enfants, aide de l’adulte, découpage, collage… on dessine, on gomme, on recommence… frustration, dépassement de soi, Mathéo qui s’exclame : « je n’ai jamais aussi bien dessiné! » et moi fière de leur apporter ces petits bonheurs… Le temps de dessin est un peu long, il faut qu’ils se dépensent, alors on s’arrête à regret mais pour mieux continuer. Après mon départ, retour en Bretagne, les enfants ont persévéré, accompagnés de leurs enseignantes et éducateurs. Ils n’ont rien lâché. Et ça se voit sur le résultat.
Quelques semaines plus tard, je suis retournée à l’ITEP. Tous ensemble de nouveau dans la grande salle. Patiemment encore, ils ont écouté mes explications sur la maquette et l’impression du livre. Puis ils ont découvert LEUR livre, leur histoire mêlant les monstres de Quentin et les licornes de Loane. ils l’ont feuilleté avec fierté, avec émotion. Puis ils ont lu LEUR livre à haute voix. Avec les difficultés qui sont les leurs mais chacun a pu lire un peu ou beaucoup. Tous ont écouté. Et tous ont applaudi. Je pense que ce n’est pas si souvent qu’ils s’applaudissent et je dois vous dire que ça m’a donné des papillons dans le cœur. Encore plus quand l’un d’entre eux est venu me glisser des mots doux.
Merci les enfants ! 🙂
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